mardi 25 octobre 2011


La conception

EnvoyerImprimerPDF

La conception

D'après le dictionnaire de l'Académie française:
CONCEPTION N. F. XIIE SIÈCLE, AU SENS PHYSIOLOGIQUE. EMPRUNTÉ DU LATIN CONCEPTIO, «ACTION DE CONTENIR », PUIS «CONCEPTION », ET, EN LATIN CHRÉTIEN, «IDÉE, PENSÉE ».
I. Action de concevoir un être vivant(...)
II. FIG. Activité de l'esprit en vue de la compréhension ou de l'élaboration de quelque chose. 1. CLASS. Faculté de concevoir, de former des idées générales. Puissance, faiblesse de conception. Il manifeste une grande clarté de conception. Il a la conception facile, vive, lente. 2. Action de former le concept d'un objet et, par ext., d'appréhender un objet par la pensée; action de former dans son esprit, d'imaginer, d'inventer. Cette notion n'est pas susceptible d'une conception claire et distincte. (...) La conception d'un projet. Un projet au stade de la conception. Suivre un programme d'équipement de la conception à la réalisation. Les défauts de conception d'une machine. Un appareil de conception ancienne, récente. SPÉCIALT. Idée qui guide la création d'une œuvre et assure son unité. La conception et la facture d'un tableau. Une mise en scène, un décor de théâtre d'une conception originale. Un roman d'une conception audacieuse. 3. Ce que l'esprit crée, produit. Une des plus belles, des plus prodigieuses conceptions de l'esprit humain. SPÉCIALT. Doctrine, théorie. La conception platonicienne de l'État. (...) Des conceptions juridiques, architecturales. Les partisans, les tenants, les adversaires d'une conceptionPar ext. Manière de considérer, d'envisager(...) 4. INFORM. Conception assistée par ordinateur ou C.A.O., ensemble des techniques informatiques qui permettent l'élaboration d'un produit nouveau. La conception assistée par ordinateur a de nombreuses applications dans l'industrie automobile et l'aéronautique.
Si nous en excluons le sens propre, cette définition du terme conception dénote des aspects imaginatifs et créatifs de l'acte de conception. Dans le cadre qui nous intéresse, la conception est l'«action de former le concept d'un objet (..) de former dans son esprit, d'imaginer, d'inventer». Cette vision globale de la conception s'applique à tous les domaines créatifs, qu'ils soient artistiques (arts plastiques, architecture, littérature, musique, cinéma, mode, ...), industriels (conception industrielle, ou design, architecture, ...) ou scientifiques (recherche, pédagogie, ...). D'ailleurs, en voulant recenser les domaines où intervient la notion de conception, on constate qu'il est difficile de «cataloguer» ces activités dans des domaines précis tant la notion de créativité est transversale. L'architecture, par exemple, est une discipline créative, science de la construction intégrant à la fois des connaissances scientifiques et techniques, mais aussi des notions esthétiques, artistiques et sociales.
Fort de cette définition et des aspects qu'elle soulève, nous proposons d'aller un peu plus avant dans l'étude du processus de conception: quels chemins et méthodes, d'un point de vue cognitif, vont être mis en œuvre pour concevoir et donc exprimer la créativité?
Le domaine de l'industrie et de l'étude des procédés industriels a fortement décomposé les phases nécessaires à l'aboutissement d'un produit (dans des domaines variés tels que la manufacture, l'architecture, la mécanique, etc.). Ainsi, d'une manière très simplifiée, le développement d'un produit se décompose en trois étapes: la conception dite industrielle, le développement et la fabrication. Dans cette organisation, la notion de créativité est «cloisonnée» à la première de ces étapes, elle est l'exclusivité du concepteur.
Pourtant, le domaine de la psychologie ergonomique a remis en question cette vision en étudiant et analysant les processus cognitifs mis en œuvre lors du déroulement d'un projet. Cette remise en question montre que la conception n'est pas une simple phase en amont d'un processus plus global de production, mais représente justement les activités tout au long de ce processus, «c'est désigner un ensemble de caractéristiques de certaines situations professionnelles, de la tâche dont on sait qu'elles vont engendrer certaines spécificités du raisonnement et donc de l'activité» [Béguin et Darses1998]. Ainsi, de tels travaux, confortés par des études de terrain, ont montré que les acteurs du processus de conception sont nombreux, impliqués en tous points du projet.
Il est alors une ambiguïté sur le terme de conception qui représente pour les ergonomes toute tâche créative lors des différentes étapes de production, et pour les procédés industriels seulement la première phase (le terme anglais «design» lève cette ambiguïté, ne désignant que cette première phase). Nous utiliserons le terme de conception (et donc de concepteur) dans le sens ou l'utilisent les ergonomes, c'est à dire comme représentant une activité créative intervenant à n'importe quelle étape. Dès lors, nous pouvons préciser que dans nos travaux, nous ne intéresserons qu'à la conception dans les premières phases d'un projet.
Nous préciserons dans cette section les aspects cognitifs majeurs du processus de conception dans un cadre individuel, en considérant principalement la notion decréativité.
Nous terminerons par un bilan sur ce que sont et ce que pourraient être les logiciels de support à cette créativité. En effet, le dernier point de la définition vue plus haut définit aussi la conception dans un contexte informatique: «Conception assistée par ordinateur ou C.A.O., ensemble des techniques informatiques qui permettent l'élaboration d'un produit nouveau. La conception assistée par ordinateur a de nombreuses applications dans l'industrie automobile et l'aéronautique». Cette définition est la seule qui ne cite pas d'aspects conceptuels et créatifs. C'est pourquoi nous irons au delà de cette vision des systèmes informatiques comme de simples calculateurs en dressant un bref état de l'art des travaux qui tendent à en faire de véritables supports à la créativité.

1 La conception créative

Depuis les années 80, le domaine de la psychologie ergonomique a produit beaucoup d'analyses sur l'impact qu'ont les caractéristiques externes des tâches de conception sur la construction des représentations mentales que forment les concepteurs dans leurs activités (design, mécanique, architecture, programmation informatique, etc.). L'objectif en est essentiellement, par la compréhension de ces mécanismes, de produire des outils d'aide aux concepteurs. C'est pourquoi de nombreux travaux se sont d'abord axés sur la question de savoir «Comment les concepteurs réalisent leurs activités ?».
D'un point de vue global, les problèmes de conception sont par essence «mal définis»: la solution est un système qui doit satisfaire un ensemble de contraintes très peu définies au départ et spécifiées tout au long du processus. Les études et analyses de Vinod GOËL [Goël et Pirolli1989] ont permis de caractériser les démarches invariantes mises en jeux par des concepteurs lors de la résolution de ces problèmes larges et complexes:
  1. Ils montrent une activité intense de structuration et de restructuration du problème.
  2. Ils développent plusieurs modèles du système (traduit par des diagrammes, prototypes).
  3. Les problèmes peuvent être résolus par un ensemble de solutions plus ou moins acceptables que le concepteur doit alors évaluer. Cela implique la mise en œuvre de fonctions d'évaluation.
  4. Cette évaluation est cyclique et s'effectue par approximations successives.
  5. Les concepteurs ont tendance à préciser progressivement les contours du système, laissant ainsi la place à des alternatives.
  6. Ils décomposent le problème en modules perméables ayant des intersections et des liens plus ou moins forts.
  7. Leur démarche évolue de buts abstraits aux spécifications concrètes en passant par des abstractions de plus en plus spécifiques.
  8. Ils utilisent des systèmes symboliques ou graphiques pour décrire les résultats intermédiaires.
Cette analyse du processus de résolution de problèmes montre bien que la démarche du concepteur consiste à conserver une vision globale, tout en proposant plusieurs solutions possibles au problème afin de le cerner (il est clair que la séparation entre l'analyse du problème et sa solution reste floue: un problème totalement défini est résolu). D'autres études sur des concepteurs et ingénieurs de domaines et savoirs différents [Maccoby1991] ont conforté cette vision par le constat que l'approche la plus fréquemment employée est de rechercher une vision globale et détachée avant d'avancer vers des détails plus précis.
Dès lors, la proposition de solutions et leur évaluation, associées à un certain recul par rapport au problème, permettent aux concepteurs d'introduire de nouvelles contraintes. Ces contraintes réduisent l'espace des solutions possibles et permettent l'introduction de nouveaux concepts, changent les buts et induisent encore de nouvelles contraintes. Un tel constat ne confère toutefois pas à ce processus un chemin de résolution prédéterminé, mais souligne surtout son aspect incrémental et itératif. Les méthodologies, expériences et l'existant vont appuyer la démarche, mais il est nécessaire de recombiner et réinventer à chaque fois: «Le rôle du concepteur est de produire l'inattendu» [Grange1983].
Un point intéressant et prévalent dans ces études est qu'elles font émerger un aspect fondamental de la conception: la créativité. En effet, cette génération de solutions, que l'on peut en partie associer à l'introduction de nouvelles contraintes au problème, dénote de l'aspect créatif de la conception. Khaldoun ZREIK identifie d'ailleurs laconception créative comme un acte de conception sans contraintes à priori [Zreik1990]. Selon [De Paoli2004], c'est la spécification des contraintes qui n'existaient pas au début du processus qui confère alors un haut niveau de créativité.
Toutefois, on ne peut pas se limiter à une vision trop réductrice de la créativité dans la conception. Il est en effet évident que la frontière est floue entre la résolution de problèmes peu ou mal définis et la conception créative telle qu'elle a été définie précédemment (aucune contraintes de départ). Cette résolution ne se limite pas à la simple maîtrise d'une connaissance et de techniques, mais puise dans l'exploration, l'assemblage d'idées et l'utilisation de connaissances alternatives (extérieures au domaine du problème). Ce sont ces activités créatives qui, selon [Candy et Edmonds1999], font appel à une combinaison de rationalité, d'intuition et de créativité. D'une manière plus générale, la notion de conception créative relève donc de la capacité à proposer des solutions novatrices à des problèmes mal ou peu définis (en opposition à la résolution de problèmes analytiques précis). Et, plus que la qualification du problème et du nombre de ses contraintes de départ ou de leur nature, les concepteurs eux-mêmes soulignent la part importante de l'intuition. Ainsi, Jack Howe cité dans [Cross2002], «(je) crois à l'intuition. À mon avis, il s'agit là de la différence entre le concepteur et le simple ingénieur... (Je) fais une distinction entre les ingénieurs et les concepteurs de produits mécaniques... Un concepteur de produits mécaniques est aussi créatif que tout autre concepteur».

2 La créativité dans la conception

Les nombreuses études sur le processus créatif ont toutes caractérisé trois activités primordiales: l'exploration, la génération des solutions et l'évaluation.

2.1 Les activités de la créativité

Ces activités, qui synthétisent aussi les points vus précédemment, sont essentiellement basées sur la connaissance. Connaissance que beaucoup s'accordent à qualifier de prépondérante dans le processus créatif, tant au sens du savoir et des acquis du concepteur que des données qu'il va devoir extraire de l'analyse du problème ou d'autres sources.
L'exploration
L'exploration est l'activité que l'on peut qualifier de recherche. Elle met en jeu les savoirs et l'expérience, mais aussi toutes les données externes que le concepteur va pouvoir récolter et assimiler autour de lui. Ainsi, elle permet de cerner le problème, de le situer afin de pouvoir constituer un espace des solutions possibles, de délimiter le problème par des contraintes.
Ernest EDMONDS et Linda CANDY synthétisent de leurs travaux que la connaissance est un élément clef dans l'exploration des idées, du savoir et des alternatives [Edmonds et Candy2002]. Les designers, par exemple, vont se servir des usages et de retours d'expériences pour concevoir ou améliorer un objet. Dès lors, l'exploration ne peut qu'être favorisée par un accès à des sources de données, contenant différents types de connaissances qui sont examinées, évaluées et interprétées dans le sens des buts du créateur (savoirs et acquis, travaux connexes, désirs du client, spécifications du problème, dossiers de conception, ...).
Il est évident que l'exploration est un processus ouvert, qui ne peut pas être formellement modélisé. Elle doit évidemment se situer dans le domaine particulier lié au problème, se focaliser sur un ensemble complet et accessible de connaissances: savoir où regarder et comment choisir la connaissance en sont les éléments prépondérants. Mais il est toutefois indispensable de ne pas négliger les transversalités.
[Edmonds et Candy2002] souligne ainsi des aspects importants de l'exploration:
  • Rupture avec les conventions. S'affranchir des attentes conventionnelles, qu'elles soient visuelles, structurelles ou conceptuelles, est une caractéristique majeure de l'esprit créatif.
  • Immersion. La complexité du processus créatif est servie par une immersion totale dans l'activité. Les distractions doivent êtres proscrites.
  • Vue holistique. Un problème de conception doit être pris en compte par une vue générale. Le concepteur doit ainsi être capable de se reprojeter dans n'importe quel point de vue et, en particulier, de trouver ceux d'où la conception émerge.
  • Chemins parallèles. Garder un nombre d'approches et de points de vue simultanés est un élément nécessaire à l'apparition de nouvelles idées.
La génération des solutions
Le processus créatif se fonde aussi sur l'expérimentation et l'exploration de solutions multiples. Il s'inscrit dans une démarche itérative pour développer un résultat original et nouveau [Csikszentmihalyi1999,Schön1983]. La génération des solutions possibles implique alors l'aspect critique de la formation du problème (se poser les bonnes questions, comme pour l'exploration).
Cette démarche est à la fois un processus de synthèse des connaissances, mais aussi de proposition et d'essai à partir de l'espace initialement délimité par l'exploration et la formulation du problème (d'où son importance). Ces solutions font largement appel à des ensembles de cas analogues, pouvant même surgir de domaines totalement différents à celui dans lequel s'inscrivent les préoccupations: il faut une certaine habilité à créer des associations1.1.
Dès lors, un point important de la démarche créative est la génération de beaucoup de solutions potentielles. La focalisation sur une seule solution, et donc un chemin unique de résolution qui est souvent le plus évident dans ce cas, offre de fait moins de possibilités pour atteindre l'une des meilleures solutions. Cette habilité à considérer des chemins parallèles dans la conception est un élément important de la génération de solutions, qualifié de pensée latérale [de Bono1973].
L'évaluation
Ces solutions potentielles doivent alors être évaluées par rapport à l'ensemble de contraintes qui ont été posées au départ, ou introduites a posteriori: il s'agit alors de modifier, reformuler ou écarter des solutions. Mais l'application de ces contraintes n'est pas une fin en soi, une validation finale du processus. Elle doit être considérée comme favorisant l'émergence de nouvelles solutions créatives et de fait, l'évaluation est un point primordial [Boden1997]. Elle est souvent constante, depuis la phase d'exploration. Ainsi, le processus est itératif, l'évaluation permanente modifiant l'espace des solutions (réduction ou plus rarement extension) afin de relancer de nouvelles explorations et solutions.

2 Les limites du modèle



Figure 1.1: Le concepteur irrationnel (figure a) caractérise la boîte noire, la partie cachée de la conception. Le concepteur rationnel (figure b) caractérise la boîte de verre. Ces images sont tirées d'illustrations de John Christopher JONES.
\begin{figure}\setcounter{subfigure}{0} \subfigure[\small Le concepteur \og mag... ...humain\fg.]{ \includegraphics[width=.5\textwidth]{jcjcomputer}} \end{figure}
Il est toutefois important de tempérer ce discours en ne l'enfermant pas dans une vision ou un modèle systématique de la démarche de conception. À la fin des années soixante, John Christopher JONES a d'ailleurs remis en question la formalisation de plus en plus profonde de ces processus. Par deux illustrations, associées au concepts de «boîte noire» et «boîte de verre», il a soulevé la part d'inconnu que recèlent les mécanismes créatifs. La figure 1.1(a) illustre le principe de la boîte noire, le concepteur humain qui va produire un résultat satisfaisant sans pour autant comprendre pourquoi. La figure 1.1(b) illustre le principe de la boîte de verre, le concepteur rationnel qui à partir d'entrées va produire la meilleure sortie possible.
Ces illustrations eurent un impact certain dans le domaine1.2: considérer le principe de la boîte noire revenait à abandonner toutes recherches sur le sujet alors que celui de la boîte de verre tendait à simplifier dramatiquement les processus de conception. Cela permis une certaine modération, « gardant la possibilité de qualifier d'artistique ce qui ne pouvait pas encore être qualifié de scientifique» [Chupin2002].
Pour l'heure actuelle, ce processus itératif d'exploration, de génération de solutions et surtout d'évaluation constante est admis, même si tous les mécanismes cognitifs qui le régissent et le mettent en œuvre restent non formalisables ou difficilement identifiables (est-ce que l'intuition, dont nous parlions précédemment, est une qualité qui ne s'exprime qu'à un moment précis ?). Par contre, une fois admis, ce processus soulève le problème des capacités cognitives humaines, d'autant plus que toutes ces activités sont entremêlées. Nombre d'études et de travaux dans les sciences cognitives ont montré nos limites sur ce point, que ce soit au niveau de la mémoire ou des capacités de calcul, Donald A. NORMAN affirmant même que les capacités cognitives humaines sont largement surestimées [Norman1993]. Il est alors indispensable pour un concepteur d'utiliser des supports externes, une extension cognitive tout au long des activités qui sollicitent lourdement ses capacités. Ces représentations externes des images mentales vont solliciter le système visuel pour soulager la charge cognitive, et c'est là le grand intérêt de l'écriture mais surtout du dessin. Quelle place lui est alors donnée dans le processus créatif ?


2.3 Le dessin/croquis dans la conception

Le dessin, et plus précisément le croquis, est considéré comme partie intégrante des activités de conception créative. Il est défini comme l'outil prépondérant de la pensée, «the most important Thinking tool» [Seitamaa-Hakkarainen et Hakkarainen2000,Goël et Pirolli1989,Goël1995]. Il est d'ailleurs d'usage que, dans leur formation, les concepteurs apprennent à maîtriser les techniques de dessin à main levée afin de pouvoir esquisser le plus rapidement et instinctivement possible. Cet apprentissage, et la maîtrise qui en découle, n'est pas dénué de sens. Le dessin est en effet vu par les spécialistes de la psychologie cognitive comme une représentation de l'activité mentale, fixant les idées dans les premières phases de la conception: la concrétisation de concepts. Mais plus que cela, ces représentations visuelles dessinées, qui prennent plusieurs formes suivant les phases de la conception, sont recombinées, modifiées et adaptées.
Eugene FERGUSON propose trois catégories de dessins réalisés par un concepteur [Ferguson1992]:
  1. le dessin/croquis de la pensée («thinking sketch») qui supporte l'activité mentale du concepteur.
  2. le dessin parlant («talking sketch») qui est un vecteur de communication et de discussion pour les acteurs du processus de conception.
  3. le dessin prescriptif («prescriptive sketch») qui spécifie l'objet conçu pour les observateurs extérieurs au processus de conception.
C'est au premier, le dessin de la pensée, que nous allons essentiellement nous intéresser.
Dans la figure 1.2, un croquis de conception de l'architecte Harry SEIDLER reflète l'aspect esquissé, et donc imprécis, du dessin de conception, ainsi que la palette des représentations visuelles utilisées. Il n'y a ni format, ni restriction: celui-ci est complètement libre, le concepteur n'est pas tenu de respecter des conventions, des règles géométriques. Tout est bon pour supporter l'activité créative, et une même feuille peut alors contenir des dessins, notes écrites, symboles, calculs, etc...


Figure 1.2: Un croquis de conception de l'architecte Harry SEIDLER pour «The Riverside Center», Brisbane, Australie, 1985 (tiré de [LacyNew York]).
\includegraphics[width=\textwidth]{seidler}
Mais dans quel sens un tel dessin sert alors le processus de conception ?
Le concepteur ne se contente pas de dessiner, il observe aussi son dessin. Cette visualisation instantanée de sa pensée contient un grand nombre d'informations volontairement ou involontairement décrites. C'est justement de l'observation du dessin et de la découverte de ces idées et informations sous-jacentes que va apparaître une réaction, entraînant la naissance de nouvelles idées [Goldsmith2002,Suwa et al.1999]. On rejoint ce que nous avions précédemment exposé sur les liens et itérations entre exploration-évaluation-révision. Le dessin va être la trace de ces opérations, le support listant les contraintes du projet, la mémoire des idées instantanées, même si celles-ci semblent n'avoir aucun rapport avec le problème (exploration et génération de solutions).
Dans ce sens, il s'établit une «conversation visuelle» entre le concepteur et ses croquis, permettant l'évaluation et l'exploration de nouvelles idées [Schön1983,Goël1995]. La réflexion se fonde sur la relation établie entre la pensée et sa représentation sous forme de croquis. Nigel CROSS qualifie alors la conception de réflexive: «le concepteur doit maîtriser un genre de médium - le croquis - permettant aux idées partiellement formées d'être exprimées et réfléchies: d'être prises en considération, développées, rejetées, et reconsidérées.» [Cross2002]. Dès lors, le dessin ne peut que favoriser les décisions importantes lors des phases préliminaires de conception.
Le dessin va aussi être le support physique de révisions, raffinements et modifications. Dans le dessin de la figure 1.2, des éléments ont étés repassés et redessinés plusieurs fois (parties plus foncées, constituées de traits superposés). Cela reflète les révisions, retouches, affinages et combinaisons des idées et solutions tout au long de la création.
Une technique souvent utilisée par les concepteurs, et spécialement les architectes, est d'améliorer l'efficacité de ce principe de retouches en utilisant des calques. Cela facilite la création de séries de dessins. Mais ce ne sont pas seulement des versions ou évolutions différentes, des branches. Leur combinaison va aussi produire des solutions encore plus raffinées [Goldsmith2002].
Finalement, plus qu'un support, le dessin devient un instrument de création, par son aspect « flou». Le concepteur trace des traits qui ne sont pas forcément des descriptions précises de ses idées. Il peut alors les interpréter de différentes manières, mais ils restent ses traits et dans ce sens ils sont liés à ses idées, abstraites ou concrètes. Le concepteur expérimenté utilise le dessin pour générer des configurations qui peuvent alors «réveiller» des concepts ou objets qu'il n'avait pas encore portés au premier plan de sa pensée et qui peuvent être des solutions au problème posé. Gabriela GOLDSMITH en déduit d'ailleurs que ces «idées cachées» (« not-initially-accessible ideas») sont la clef de la compréhension du rôle du dessin dans la production de solutions: il faut chercher, car les idées, mêmes connues, n'émergent pas spontanément lorsque le processus créatif commence.
Les traits, le dessin et le dialogue critique du concepteur avec son dessin vont lui permettre de découvrir des conséquences inattendues. Tout type de visualisation peut aider à l'émergence de ces concepts, mais le dessin l'emporte de par ses avantages d'économie cognitive. Il est rapide et facile à produire, dynamique, flexible et il n'engage que peu d'efforts (nous reconnaissons et interprétons aisément nos propres dessins). Enfin, il focalise l'attention sur le problème, évitant de se disperser dans des recherches inappropriées.




L'architecture, un exemple de conception créative

EnvoyerImprimerPDF

L'architecture, un exemple de conception créative

La conception architecturale est un exemple concret et complet des notions générales que nous avons évoquées. Devant répondre à des contraintes de départ plus ou moins précises, les problèmes architecturaux sont des problèmes mal définis. Dès lors, l'architecte s'inscrit dans un processus de conception créative, manipulant de larges connaissances issues de domaines transversaux, aussi bien dans des domaines techniques (nombreuses et diverses techniques du bâtiment) qu'artistiques, historiques ou socio-culturels.
En nous appuyant sur les ouvrages référence de Jean-Charles LEBAHAR [Lebahar1983] et de Daniel ESTEVEZ [Estevez2001] sur le sujet, ainsi que sur nos propres expériences et discussions avec des spécialistes du domaine, nous présentons succinctement dans cette section les spécificités du processus de conception architecturale, en regard des notions plus générales que nous avons exposées précédemment. Nous nous attacherons surtout à y cerner la place du dessin et des systèmes informatiques.

1 La conception architecturale

Selon Jean-Charles LEBAHAR, [Lebahar1983], la conception architecturale fait apparaître trois grandes phases:
  1. Le diagnostic architectural. C'est dans cette phase de la résolution du problème que l'architecte va le cerner et le définir en respect des contraintes de base. Il va alors prendre en compte les contraintes financières du client, la surface et topologie du terrain, les contraintes écologiques, juridique, les règles de conformité. Il va pour cela visiter les lieux, discuter avec son client mais aussi utiliser des documents liés à ces données: des photographies, des plans de géomètre, etc. Combinant le tout avec ses connaissances et savoirs propres, il est alors en phase d'exploration dont le résultat sera une première «base graphique de simulation», mélange de notes et de premiers dessins.
  2. La recherche de l'objet par simulation graphique. Dès lors, le concepteur va entamer ce que nous avions appelé la génération des solutions et leur évaluation, dans un processus incrémental et itératif. Et c'est le dessin qui va être le vecteur privilégié de cette démarche. Il va supporter la simulation, basée sur les transformations successives que va développer le raisonnement de l'architecte, jusqu'à une définition précise de solutions acceptables au problème. Dans cette situation, comme nous l'avions déjà évoqué en parlant de conversation entre le concepteur et son dessin, le dessin est plus qu'un support. Il représente, comme le souligne Jean-Charles LEBAHAR, «l'objet en création et la pensée qui le crée».
  3. L'établissement du modèle de construction. Cette phase est l'établissement des représentations graphiques précises, destinées à rendre claire la solution pour les constructeurs. C'est la «décision définitive concernant l'ensemble du projet» (plans, dessins précis et métrés, avec une échelle spécifiée, etc.).
Nul besoin d'aller plus loin dans les détails de la conception architecturale pour constater que le dessin tient une place prédominante dans ce processus, et ce à toutes ses étapes. Bien entendu, l'architecte a aussi recours à d'autres représentations visuelles. Il utilise divers documents dans les premières phases d'analyse, mais ce ne sont que des apports à sa construction du problème, non des vecteurs de sa résolution. De la même manière, il peut construire des maquettes physiques ou virtuelles de son projet, mais cela présuppose déjà d'une solution aboutie au problème. Elle vont servir à la présentation du projet, à sa communication. Dans une moindre mesure, elles permettront une évaluation supplémentaire de la solution pouvant entraîner des raffinements, mais elles ne constitueront pas un support créatif comme l'est le dessin.


2 Le dessin d'architecture


\includegraphics[width=.6\textwidth]{hands}
Figure 1.5: Dessin sur un coin de table. Photographie: © Thomas Mayer.
Afin de cerner les types de dessin d'architecture et leurs fonctions dans la durée d'un projet architectural, nous reprenons dans cette section les trois fonctions adoptées par Daniel ESTEVEZ: le dessin spéculatifdessin descriptif et le dessin prescriptif [Estevez2001], qui spécialisent celles de Eugene FERGUSON que nous avions déjà évoquées dans le contexte général page [*].
Le dessin descriptif est le vecteur de communication de l'architecte. Il permet de montrer, mais aussi de voir «ce que ça donne». Le dessin prescriptif est celui qui va permettre la construction, la réalisation de l'édifice. Enfin, le dessin spéculatif est celui que nous avons le plus évoqué jusqu'à présent, le support principal de l'activité créative et conceptuelle. Il ne résulte toutefois pas de cette décomposition une séparation imperméable des fonctions du dessin dans le processus de conception architecturale. Ces fonctions, isolées par Daniel ESTEVEZpour organiser son discours, s'imbriquent et s'influencent tout au long du processus. Il est d'ailleurs impossible de cloisonner chacune d'elles dans les trois phases décrites précédemment, même et surtout si le «bon sens» suggère une certaine distribution de ces fonctions du dessin au cours du temps1.4.
Toutefois, il s'avère qu'elles offrent une vision claire des différents objectifs du dessin d'architecture. Dans le contexte de nos travaux (offrir de nouveaux outils informatiques supportant la créativité dans la conception), elles vont permettre d'identifier les besoins en la matière mais surtout les apports possibles, en particulier dans les phases préliminaires de conception. Dans ce contexte, les fonctions descriptives et prescriptives du dessin ainsi que les techniques qui leurs sont associées, ne paraissent pas essentielles au premier abord. C'est assez trivial dans le cadre du dessin prescriptif, dont la nature précise et finalisée l'écarte à priori des phases préliminaires de conception. Il est par contre plus aisé de voir le dessin descriptif s'inscrire dans les premiers moments de la démarche créative, permettant ainsi une évaluation individuelle ou collective du résultat. Nous verrons pourtant l'importance relative que peuvent prendre ces deux fonctions dès le début de la conception, ainsi que l'importance que pourraient (ou plutôt devraient) leur donner des outils informatiques à ce niveau.

2.1 Le dessin descriptif

Le dessin descriptif va permettre à l'architecte de «rendre visible» l'objet qu'il crée. Il va par ce biais chercher à communiquer ses idées et leurs concepts aux autres acteurs du projet, mais tout particulièrement à son client. Dès lors, il doit garder une part d'indéfini et s'attacher à représenter une idée générale, dans l'optique de ne pas figer la vision de son commanditaire. Cela aurait l'effet de brider ses démarches exploratoires ultérieures si la conception n'est pas terminée, ou de provoquer un désaccord si les premières descriptions ont été considérées comme finales.
Ce dessin descriptif utilise principalement la technique de la perspective afin de rapprocher le plus possible l'objet en création de sa future réalisation. Un point intéressant sur le dessin en perspective est que la technique proprement dite, basée sur la géométrie projective, ne concorde pas avec les propriétés du système perceptif humain. C'en est une simple réduction géométrique, écartant certaines notions essentielles de la perception: flou des contours lointains, incertitude des limites du champ visuel, appréciation des fuyantes.
Dès lors, le dessinateur va devoir adapter son dessin afin de le rendre cohérent avec la vision réelle qu'il veut en donner. Cela passe par un choix précis de la disposition des objets et de la distance d'observation, mais surtout par de légères violations des règles géométriques de la perspective. Un exemple en est la correction quasi systématique des déformations latérales et des fuyantes verticales (l'on devine de telles corrections sur la figure 1.6).

\includegraphics[width=.8\textwidth]{StateTower}
Figure 1.6: Représentation perspective.

2.2 Le dessin prescriptif

Le dessin prescriptif va servir à la construction du bâtiment. Il va établir la communication finale entre les idées de l'architecte et les acteurs de la réalisation physique du projet: les dessins de construction, plans et nomenclatures. Plus qu'une simple transformation technique de ces précédents croquis, l'architecte va, à partir des solutions qu'il a établies et qu'il considère comme valables, poser un nouveau regard permettant la détection d'inconsistances [Lebahar1983]. Ce passage du conceptuel au constructible implique une grande clarté, supprimant les ambiguïtés. Les représentations figuratives obéissent alors à un code graphique précis et définis, associé à des nomenclatures, détails des matériaux, etc... C'en est fini de «l'espace des solutions» et de la «réversibilité des choix», l'une des solutions est choisie.

2.3 Le dessin spéculatif

Nous avons souligné que la conception est une manipulation d'abstractions par leur schématisation, axée sur la globalité, une vue détachée mais unifiée de l'objet. Dès lors, en architecture comme dans un cadre plus général, le dessin lors des phases préliminaires de conception est plus qu'une simple représentation graphique, mêlant conceptualisation et évaluation. L'architecte va utiliser le dessin pour sélectionner et façonner les traits significatifs et pertinents de ce qu'il crée, en fonction des concepts qui guident son analyse.
Un point très important est la propension qu'à le dessin à dialoguer avec son auteur. Outre le fait qu'il favorise l'émergence d'idées spontanées, support incontestable de l'expérimentation, sa disposition spatiale entraîne la perception des relations et inconsistances entre les concepts qu'il représente, point indispensable de la conception architecturale. En effet, la mise en relation successive, rapide et simultanée de contraintes et d'objectifs de sources différentes (structure, fonction, usage, ...) facilite la recherche de cohérence, menant à ce que Jean-Charles LEBAHAR appelle la «réduction d'incertitude» [Lebahar1983].
Finalement, le dessin dit spéculatif en architecture ne présente pas vraiment de caractéristiques spécifiques par rapport à celles que nous avions déjà évoquées dans le cadre général. Il est par contre important d'observer plus avant les aspects techniques propres à ce domaine, du croquis au dessin en plans, coupes et élévations (le dessin géométral). Nous évoquerons aussi l'utilisation d'un support cher aux architectes: le calque.
Le croquis
Au vu de nos lectures, observations et discussions avec des architectes, si l'on devait n'utiliser qu'un seul mot pour caractériser le croquis d'architecture ce serait liberté. Le croquis à main levée, bien que souvent dans une vue perspective, n'obéit en effet à aucune règle graphique ou technique, visant avant tout la concision et la rapidité d'exécution. Il illustre une intention plus qu'une réalité ou qu'un but, afin de produire l'effet spéculatif sur son observateur (le dessinateur, dans la plupart des cas). Dès lors, toute considération de précision est écartée (mesures, échelle, ...) pour susciter l'exploration, la projection mentale (voir figure 1.7).

\includegraphics[width=.8\textwidth]{corbu}
Figure 1.7: Le croquis. Ce croquis de LE CORBUSIER, le musée à croissance illimitée - 1939, illustre parfaitement l'aspect conceptuel du croquis. Il illustre un concept, se basant ici sur la métaphore de la spirale, dont la déclinaison va progressivement construire l'objet. Il ne fait appel à aucune technique particulière, ou plutôt il fait appel à toute représentation utile.
Le croquis est donc pour l'architecte «un moyen de simplifier la réalité pour illustrer une intention en allant à l'essentiel» [Estevez2001]. Il n'est pas juste de le qualifier de «photographie de la pensée», le terme de photographie impliquant trop de précision et d'exhaustivité. Le croquis suit la pensée de l'architecte, lui permet de sélectionner les traits qu'il va considérer comme importants et de les remettre en cause par leur observation. Nous employons d'ailleurs le mot traits dans deux sens: le trait de crayon, et le trait au sens de caractéristique. Les choix des caractéristiques importantes, les itérations dans l'espace des solutions se font par la sélection et la superposition des traits du dessin. Comme nous l'avons dit dans le cadre plus général du processus de conception, les traits accentués par repassage (avec ou sans calque) sont plus que de nouvelles versions, ce sont des révisions et combinaisons d'idées. Dès lors, l'on peut qualifier le croquis de prolongement de la pensée de l'architecte, sa concision étant liée à la nécessité de suivre la rapidité du raisonnement, son imprécision étant liée aux aspect flous de ce même raisonnement (représenter une intention, et ne fermer aucune porte).
Le croquis d'architecture se décompose en deux catégories:
  • Le croquis d'analyse et d'observation, essentiellement voué à extraire le concept architectural qui a sous-tendu la conception d'un bâtiment construit ou au moins conçu.
  • Le croquis d'étude, qui est l'esquisse de conception, celui dont nous discutons ici. Il diffère du croquis d'observation par sa démarche de simulation graphique, contrairement à la vision à posteriori du premier.
Bien que pouvant être distinguées par leur finalité, ces deux catégories de dessins demeurent proches de par leur caractère conceptuel.
Le dessin géométral
Le dessin géométral est un mode de dessin que l'on peut qualifier de plus technique, en deux dimensions, et qui consiste à fragmenter la représentation en coupes, plans et élévations. Le qualificatif de «technique» n'implique pas pour autant, dans les premières phases de conception, une notion de précision dans les mesures et l'échelle. Car, c'est un fait constaté par tous les observateurs de la tâche de conception architecturale, ce type de dessin est celui qui est utilisé majoritairement par les architectes. La perspective, ou autres représentations que l'on pourrait qualifier de réalistes (maquettes), n'interviennent que plus tard dans le projet.
L'utilisation de cette décomposition des dimensions soulève, selon Daniel ESTEVEZ, le « paradoxe du géométral». En effet, ces dessin fragmentent le projet, ce qui est à priori contraire à la démarche globale de la résolution du problème, et de plus ne semblent pas prendre en compte les aspects volumiques (deux dimensions). Il ressort surtout des études que présente l'auteur que c'est une décomposition de l'horizontal et du vertical, privilégiant le plan (là ou l'Homme évolue), et focalisant l'architecte sur les points d'intérêt, sans pour autant les déconnecter. Ces représentations ne négligent pas l'aspect tridimensionnel, mais rendent la figuration plus proche des images mentales du concepteur, habitué à les manipuler.
Le calque
Bien plus qu'un papier «semi-transparent» comme nous le connaissons pour recopier des dessins, le calque fut longtemps pour les architectes le papier à dessiner. Cette tendance à toutefois diminuée, mais les habitudes sont tenaces (sûrement parce-qu'elles ont fait leurs preuves) et les architectes utilisent toujours du papier calque, appelé calque d'étude, sous forme de rouleaux de petite dimension. Ce papier est surtout utilisé comme support pour réaliser des croquis rapides, à tous moments et endroits. Mais le calque sous cette forme est aussi utilisé pour effectuer des retouches ou différentes variantes sur un dessin, plan ou croquis, en déroulant une pièce du rouleau sur la première feuille.
Dès lors, il est à prendre en compte que l'architecte peut, en plus de la technique de dessin en elle-même, faire intervenir le support physique dans sa démarche. La propriété de transparence du calque permet de l'utiliser comme un support à des alternatives issues d'une même base de départ. Mais cette utilisation est rare en architecture. En effet, le calque est principalement utilisé pour assurer la conservation de solutions satisfaisantes tout au long du projet. Il fait alors office de mémoire, permettant de constituer des couches dans l'élaboration des solutions au problème. Lorsqu'une solution semble convenable, l'architecte la conserve et rajoute un calque par dessus pour continuer à travailler sur des parties encore insatisfaisantes ou tout simplement pour élaborer de nouvelles solutions. Le projet évolue, sans que les nouvelles solutions ne remplacent jamais vraiment les anciennes, ou toutefois en gardant une trace de leur évolution, leur mise en relation étant assurée par la transparence.
L'architecte Louis I. KAHN, avait associé le calque au fusain. Outre les apports « transparents» du calque, l'utilisation du fusain lui permettait d'estomper, quasiment effacer des traits de la main lorsque ceux-ci ne le satisfaisait pas. La conjonction fusain-calque fait alors qu'il reste une trace du trait sur le calque, mémoire du dessin (la figure 1.8, croquis de phase préliminaire de conception de Louis I. KAHN, montre à plusieurs endroit des corrections faites par le concepteur).

\includegraphics[width=\textwidth]{kahn}
Figure 1.8: Calque et fusain. Un dessin de conception de l'architecte Louis I. KAHN, réalisé au fusain, sur du calque. Ce croquis porte la mémoire des étapes de la conception, par les traits, leur superposition et leur persistance. Image tirée de The Louis I. Kahn Collection, Univeristy of Pennsylvannia,
Finalement, il nous paraît clair que le dessin spéculatif, le dessin de la pensée (de l'analyse aux solutions), se caractérise avant tout par la liberté que prend l'architecte pour arriver à ses fin. Liberté qu'offre le croquis, de par sa simplicité d'emploi. Il est en effet courant d'observer un (ou plusieurs) concepteur(s) en train de griffonner sur un coin de table ou sur un sous-bock à bière1.5, comme le montre la figure 1.5 au début de cette section. Le croquis est accessible à tous moments et en tous lieux. Mais la notion de liberté se retrouve aussi dans les aspects techniques du dessin de conception de l'architecte. Il va utiliser toutes les représentations figuratives dont il dispose (croquis, en perspective ou plans, coupes, élévations, calques) pour supporter son processus de création mental, dégagé de beaucoup d'aspects techniques (Michel-Ange disait qu'«On ne dessine pas avec sa main; mais avec son cerveau.»). La figure 1.9 est une esquisse d'étude tirée de [Lebahar1983] qui illustre bien ce propos de mélange des techniques sur un même dessin.

\includegraphics[width=\textwidth]{lebahar}
Figure 1.9: Esquisse d'étude. Cette esquisse tirée de [Lebahar1983] illustre l'emploi de différentes pratiques figuratives pour supporter la conception architecturale (organigramme, croquis perspective, plan, coupe).

Mis à jour ( Jeudi, 01 Octobre 2009 23:07 )

Les ambiances en architecture

EnvoyerImprimerPDF
Les ambiances en architecture.


Ambiances : lumières, sons, matières, flux, présences, échelle, volumes…


La notion d’ambiance échappe à toute définition formelle.
La recherche architecturale et urbaine s’intéresse depuis plus de 15 ans aux ambiances, domaine aujourd’hui en plein essor interdisciplinaire et international.
La recherche sur les ambiances se situe au carrefour de l’espace sensible et du développement durable qui relèvent ensemble des « affaires culturelles » .
Identité interdisciplinaire : à mi-chemin entre les sciences de l’homme et de la société (SHS) et les sciences pour l’ingénieur (SPI).


Ambiance perçue ? un éclairage remarquable, une sonorité particulière,
dynamisés par un lieu public animé, ou au contraire apaisés, portés à la contemplation dans un lieu imprégné de calme. …
Souvent singulière : l’ambiance d’un lieu varie selon le jour, l’heure, la météo, le public et nos actions.
Pourtant, malgré ces variations, elle possède en général des caractères qui lui confèrent une identité, qui nous la fait reconnaître.
Mais nous ne savons l’analyser qu’en la décortiquant de façon plurielle, sens par sens, discipline par discipline.
Plus nos connaissances sur les ambiances se précisent en terme de composition et de modalité de constitution – elles s’enrichissent d’expertises sonore, lumineuse, tactile… et aussi spatiale et sociale –, plus nous risquons de perdre ce qui fait leur unité.


Clairement identifiée depuis le milieu des années 1970 avec la création, dans les écoles d’architecture en France, de la «maîtrise des ambiances » comme discipline ancrée dans les sciences et techniques (avec l’acoustique, l’éclairage et la thermique), ce domaine de recherche a vu son émergence institutionnelle au début des années 1990 avec la création de l’UMR « Ambiances architecturales et urbaines ».
Une approche interdisciplinaire permettant de dépasser les utiles, mais restrictives, notions de nuisance ou de confort.


Qualifiant les situations d’interaction sensible dont on fait l’expérience à un moment donné dans un lieu donné, la notion d’ambiances architecturales et urbaines peut être esquissée en quelques traits :
• Elle implique un rapport sensible au monde,
• L’étudier nécessite une approche pluridisciplinaire portant une attention aux dimensions construites, sensibles et sociales de l’espace habité.
• Elle ne se réfère pas à une échelle spatiale particulière. Utilisée pour l’habitat, l’espace public, les espaces de travail ou de commerce, les espaces de la mobilité, les espaces de représentation, elle désigne une situation d’interaction sensible. En cela il s’agit d’une notion trans-scalaire qui s’applique à des espaces « ordinaires» comme à des espaces plus scénographiés.
• Utilisée pour l’étude des espaces autant que pour leur conception, il s’agit, par l’attention aux configurations sensibles, d’une posture situant l’expérience de l’usager au coeur du projet.


Mais les ambiances architecturales et urbaines ne sont pas réservées à ceux qui les pointent comme objet d’étude.
C’est un champ de recherche ouvert et poreux qui s’enrichit :
•des nombreux travaux de modélisation et de caractérisation physique du sensible,
•des recherches en esthétique, en sciences cognitives (en particulier l’approche écologique de la perception),
•ou encore des apports de la sociologie et de l’anthropologie des espaces habités.
C’est aussi un champ de recherche en plein essor international, ce qui permet aujourd’hui de mieux mesurer les dimensions culturelles de l’histoire et de l’usage.
De nouveaux métiers émergent et intègrent explicitement la notion d’ambiance : concepteur lumière, designer sonore, scénographe urbain, ….
Nombre d’architectes, de paysagistes, d’urbanistes s’appuient sur cette notion et utilisent de nouveaux outils pour leurs projets, permettant d’allier maîtrise environnementale, expérience sensible et attention aux usages.


  
Travaux de recherche portant sur les ambiances



Les travaux de recherche portant sur les ambiances, initiés dans différentes disciplines, mais toujours avec une volonté d’interdisciplinarité, dessinent aujourd’hui un large contexte scientifique.
Les travaux de recherches récentes témoignent du déploiement de la notion d’ambiance dans les champs de la recherche et de la conception architecturale et urbaine. Ils montrent la diversité des types d’espaces abordés (espaces publics, espaces de transports, bâtiments patrimoniaux, lieux scéniques, musée, hôpital, etc.) et la variété des modalités sensorielles évoquées.
Une attention particulière est portée au sonore, à l’éclairage naturel et artificiel, aux enjeux liés à la chaleur et à la fraîcheur. Et puis, comme registre trans-sensoriel et dynamique, le « cheminement » s’avère une approche de plus en plus utilisée pour saisir les ambiances in situ.


La physique des ambiances : les savoirs techniques sont mis en oeuvre pour mieux connaître, modéliser et instrumentaliser les interactions entre la physique du sensible et l’espace construit.
•Modélisation, simulation et aide à la décision
•Rôle climatique de la végétation urbaine, des points d’eau, ….
•Maîtrise énergétique
•….
La conception des ambiances où les savoirs autant que les savoir-faire du projet sont mis en oeuvre pour transformer notre cadre de vie, de façon durable comme l’est en général le projet urbain, ou de façon plus éphémère comme peut l’être une installation artistique :
•Concepteurs sonores et concepteurs lumière.
• Ambiances sonores durables ?
•Design d’espaces sonores
•L’importance des ambiances dans la conception des espaces muséaux (le déplacement du visiteur)
 
Le vécu des ambiances où l’observation des pratiques sociales, le recueil des perceptions et l’expression des représentations sont mis en oeuvre pour mieux connaître et prendre en compte les usages dans la conception de notre habiter, qu’il soit architectural, urbain ou paysager.
•Enjeux sociologiques et conception d’ambiance.
•Usages et activités/conditions microclimatiques
•…….

La physique des ambiances 


Outils d'évaluation : Exemple de l’ensoleillement :
1.Diagrammes solaires : Durée d'ensoleillement d'une façade, détermination du masque
2.Le GIRASOL : repérage des directions des rayons du soleil
3.Le Gnomon du CSTB un outil graphique d'évaluation de l'ensoleillement
4.Les outils informatiques : Problèmes solaires : résolution de problèmes géométriques.
L'utilisation : tributaires de leur accessibilité, de leur facilité d'utilisation et de l'adéquation entre l'importance des données à fournir en entrée et les résultats produits.
Plusieurs outils sont développés dans ce sens;
•SOLENE développé au Cerma
•TOWNSCAPE mis au point au Lema (gérer, à l'échelle d'un bâtiment ou d'un ensemble urbain, les problèmes d'ensoleillement et de masque solaire, durée d'ensoleillement d'un ilôt urbain



Les outils du contrôle solaire  en ligne :
•Expliciter des points théoriques, démonter certains phénomènes.
•Accompagner l’architecte lors de la conception des aspects solaires de ses projets.
•Exemples de quelques outils  (mis en ligne sur le site Audience).
1.Info Solaire : obtenir rapidement des informations élémentaires sur le soleil en fonction de la latitude, du lieu et de la date de l'année.
2.Info Récepteur Solaire : obtenir des informations d'ensoleillement et d'énergie solaire pour un récepteur plan d'inclinaison et d'orientation quelconque.
3.Ecran Solaire : évaluer les protections solaires placées devant un vitrage. évaluer ensuite l'efficacité de la protection sous forme d'un facteur de masque et d'une valeur de flux solaire transmis.
4.Lames Paralleles Solaire : tester rapidement l'efficacité des brise-soleil constitués de lames parallèles.
5.Diagramme Solaire : permet de construire différents types d'abaques et de diagrammes solaires pour diverses latitudes
•Plusieurs outils en ligne ….Concurrence entre les laboratoires
•Outils d’évaluation des conditions microclimatiques, Zones de confort
•Outils de gestion des espaces urbain (énergie, microclimat, ….)
•……

Eclairage Naturel
•Outils graphiques et maquettes, modèles de ciel : uniforme, clair, serein,….
•Propriétés des matériaux, qualité de l’éclairage, ….
•Perception et confort visuel : performance, effet psychologique, ….
•Contact avec l’extérieur, éclairage naturel et ambiances urbaines, …
Performances énergétique des bâtiments :


•Amélioration énergétique du bâtiment et ses équipements,
•Gestion des consommations,
•Sensibilisation des occupants.
•Logiciels de simulation  thermique : TRNSYS, Simula, ….
•Outils téléchargeable ou utilisable directement en ligne sur internet (Laboratoire et climat, UCL, Belgique) :
•OPTI-maisons : aide à l'intégration de la dimension énergétique dès l'avant-projet,
• Énergie+ : Conception et Rénovation énergétiques des bâtiments tertiaires (quel choix de chaudière ? quelle épaisseur d’isolant ? quel type d’éclairage, quelles lampes ? ….
•Plusieurs Sites portails de l'Énergie : exemple : http://energie.wallonie.be
•……





•Evaluation environnementale :
•Cycle de vie d’un matériaux, bâtiments
•Qualité de l’air, ventilation
•…..
 Simulations numériques


Il est indispensable de faire une description détaillé de l’outil informatique utilisé :
•Quel logiciel  (version, système d’exploitation, …etc. ?
•Pourquoi ce logiciel ? simplement parce que c’est celui dont vous disposez ou parce qu’il présente un intérêt  particulier dans votre approche  ?
•Quel est le protocole que vous avez établi pour les simulations ?
•Quels sont les conditions choisies et pourquoi ?
•……


 Instrumentation des ambiances 


Modélisation et simulation des phénomènes physiques relatifs aux ambiances. Développement d'outils de simulation, de gestion et d'exploitation des données environnementales.
Les recherches développées concernent :
•Les Systèmes d'Information Géographique 3 D urbains et environnementaux : modélisation morphologique des objets architecturaux et urbains, développement de SIG 3D urbains pour la gestion, l'exploitation et la représentation de données environnementales (Projet : Saga Cités)
•La modélisation thermique des bâtiments et de leur environnement : représentation des microclimats urbains et du comportement thermo-aéraulique des bâtiments intégrant le couplage des phénomènes thermiques, aérauliques et hydriques.
•La modélisation de l'éclairement énergétique (solaire) et de la lumière naturelle (parties de ciels statistiques) : évaluation des grandeurs physiques liées aux conditions d'éclairement des espaces architecturaux et des environnements urbains.
•L'instrumentation des phénomènes sonores : modélisation et métrologie des effets de réflexion, diffraction et réflexion diffuse des surfaces urbaines.




 Caractérisation des ambiances


Mise au jour des qualités d'ambiance d'un lieu et évaluation des interactions entre les dispositions spatiales, la qualité environnementale et le confort des usagers.
Ce thème explore :
•La caractérisation des dispositifs, des architectures et des tissus urbains : mise en correspondance de descripteurs morphologiques et constructifs avec les phénomènes physiques d'ambiance.
•La restitution et l'analyse des ambiances par la réalité virtuelle : caractérisation physique et sensible des ambiances, par immersion visuelle et sonore de sujets dans des environnements architecturaux et urbains.
•Les modèles émergents de la perception de l'environnement urbain : émergence de modèles ou patterns représentatifs d'une situation sonore urbaine.
•L 'analyse de références architecturales et urbaines croisant les dimensions physiques, architecturales, techniques et les dimensions d'usage, culturelles et esthétiques.


  La conception des ambiances


Outils et méthodes pour l'intégration des ambiances dans le projet, les ambiances dans les processus de conception, la place et le rôle des ambiances dans les doctrines architecturales et urbaines.
Ce thème étudie les ambiances dans les processus de conception, et plus spécialement :
•Les outils et méthodes pour l'intégration des facteurs d'ambiances dans le projet avec les méthodes de simulation inverse, les techniques de communication et de concertation au moyen de SIG, les outils de dimensionnement de dispositions et dispositifs pour l'ensoleillement, l'éclairement et la ventilation naturelle.
•Les ambiances dans les processus de conception et chez les acteurs du projet, avec l'étude des discours et indicateurs mobilisés dans les projets, l'analyse de la construction de fictions d'ambiance, la production de simulations dans les processus de conception.
•La place des ambiances dans les doctrines architecturales et urbaines avec l'étude de la période hygiéniste, de la modernité, des utopies architecturales et de la production contemporaine.


Ambiance de « Référence »
IDEA http://www.unige.ch/cuepe/idea/frm_one.htm: Interactive database for energy efficient architecture : Le projet s'est donné pour but de créer une banque de données européenne d'aide à la conception de bâtiments à basse consommation d'énergie destinée aux architectes et maîtres d'ouvrage. Ce projet a été réalisé dans le cadre du programme "Energy/Economic Energy" de la communauté européenne et a impliqué 5 groupes de recherche comprenant des architectes, des physiciens et des ingénieurs d'Allemagne, d'Angleterre, de Belgique, de France et de Suisse. Idea propose une présentation de 60 bâtiments (1 001 photos, plans, détails,...), un dictionnaire illustrant les connaissances dans ce domaine ainsi qu'une série d'outils d'aide à la conception.




Audience : http://audience.cerma.archi.fr/ : Le projet AUDIENCE est un projet européen d’auto-formation à distance, à destination des architectes dans le domaine du contrôle des Ambiances.
AUDIENCE  : AUto-formation à DIstance au contrôle d’ENvironnement des Constructions et des Equipements
AUDIENCE est un projet-pilote qui fait partie du programme européen LEONARDO da VINCI (DG XXII).
Les objectifs de la formation AUDIENCE sont d’apporter, sur le lieu de travail, au moyen d’un système de télé-formation une formation sur les questions liées à l’ensoleillement; l’acoustique; la ventilation naturelle; la thermique; et l’éclairement naturel.






Vécu des ambiances


Recherches centrées sur l’interaction de l’individu avec son environnement y inclus l’environnement social.
Ces recherches constituent une approche originale de la relation individu-environnement à la fois :
•par le niveau d’analyse,
•les champs d’application,
•les méthodes qui sont mises en œuvre.
•Cadres de vie : qualité environnementale, besoins spécifiques et bien-être ;
•Environnements critiques : pratiques, conduites et représentations ;
•Évolution de la relation personne – environnement : Développement individuel, transitions et phases critiques ;
•Développements méthodologiques – Conception de méthodes et d’outils pour l’analyse statistique des données.
(http://www.lpenv.org)


 L’observation de l’usager ?


Un système de prise de note : basé sur le ou les hypothèses formulées et dont les termes ont été rendus opérationnels. On notera ce qui est pertinent pour la recherche.
Le relevé des éléments du milieu à observer  :
•Quelles sont les caractéristiques du site à observer ?
•Quels genre de personnes y rencontre t-on ?
•Pourquoi elles se trouvent là ?
•Quels sont les moments propices pour l ’observation ?
•Quelle est la durée de l ’observation ?
•…...
Types de notes
•Des notes descriptives : qui excluent tout jugement de quelque ordre que ce soit.
•Des notes réflectives : des appréciations des observations en rapport à l ’hypothèse et à l’objectif.
Moyens pratiques :
•la Grille d’observation
•le cahier de bord

Raison d’utilisation : l’unique méthode d’approche dans certains cas où les techniques de questionnaire ou d’entretiens sont inadaptées.
• contourner l'appréciation subjective des individus sur leur propre comportement ou mode de vie, ….
• Permet une analyse fine et détaillée du comportement.
• Exemples : population particulière telle que les jeunes enfants ou les personnes présentant un déficit mental, ou des situations où le sujet n’a pas conscience de son comportement ou ne peut le reconnaître (recherche sur le vandalisme).
Inconvénients :
•un investissement temporel important
•le transfert de la subjectivité de l'usager à celle de l'observateur.
Les choix techniques dépendent des caractéristiques du phénomène étudié :
•nature et quantité d'information à recueillir,
•nombre et choix des situations et des périodes d'observation,
•localisation spatiale de l'observateur (caméras ?).
Encadrer au maximum la tâche de l’observateur :
• déterminer la répartition et le découpage temporel des observations,
• établir une grille de codage avec une définition des catégories de codage qui soit la plus précise possible.
• contrôler la fiabilité du codage.
• Exemple : l’identification des emplacements où les personnes restent le plus longtemps nécessite un enregistrement de la durée des stations, et donc une observation en continue.




La problématique de patrimonialisation : définitions, principes et méthodologies

EnvoyerImprimerPDF


Cours 2 : La problématique de patrimonialisation : définitions, principes et méthodologies


Ce qui fut patrimoine culturel dans le monde jusqu’au début du 3ème millénaire.
Le contenu et les limites de la règlementation officielle internationale, à travers les chartes universelles.




Introduction :


Le concept actuel du patrimoine culturel est un résultat du processus lié au développement de la société contemporaine, de ses valeurs et de ses conditions. La tendance doit aujourd’hui comprendre le patrimoine culturel physique dans son plus large sens en tant que contenant de tous les signes qui documentent les activités et les accomplissements du temps et de la société.
Le terme « patrimoine » en latin « patrimonium », désignait à l’origine cet héritage familial immobilier ou mobilier qu’on transmettait de père en fils.
Dés le début des années 1970, on avait retenu tout d’abord le terme de « patrimoine historique », pour désigner cet ensemble de l’héritage artistique de l’humanité. (1).
Par la suite, F.Choay est parti définir le patrimoine comme étant :
« L’expression qui désigne un fond destiné à la jouissance d’une communauté élargie aux dimensions planétaire et constitue par l’accumulation continue d’une diversité d’objet qui rassemble leur commune appartenance au passé : œuvres et chefs d’œuvres des beaux arts et des arts appliqués, travaux et produits de tous les savoirs faire des humains ». (2).
Prés de deux siècles se sont écoulés depuis l’émergence du nouvel intérêt au patrimoine architectural. Il convient aujourd’hui, de faire le point sur les évolutions qu’ont connues les diverses doctrines et les pratiques développées dans le domaine de la sauvegarde et mise en valeur du patrimoine historique.
L’attention, autrefois accordés seulement aux monuments les plus prestigieux en tant qu’œuvres d’art, s’est portée ensuite vers les ensembles historiques jusqu’à un passé récent vers les paysages culturels en tant que biens de l’environnement.


Ainsi, l’objectif de la programmation serait, selon la dite charte de :
        
  • Rendre plus efficaces les activités de conservation des ressources culturelles.
  • Accroitre le rôle des ressources culturelles dans le renforcement de l’identité culturelle des populations et des pays dans laquelle elles sont situées.
  • Contribuer à la création d’une identité et d’une culture euro-méditerranéenne.
  • Favoriser la croissance globale de la qualité territoriale en faisant aussi la promotion des actions représentatives de la culture contemporaines.
  • Soutenir les processus de développement économique au niveau local et à plus grande échelle.
  • Qualifier et spécialiser les offres locales pour les rendre plus compétitives par rapport aux offres concurrentes.


Conclusion :
De cette analyse de l’évolution législative te réglementaire de patrimoine à travers les chartes internationales, on comprend que ce concept est évolué de la restauration des monuments historiques (1) (charte d’Athènes) à la nécessité de la conservation et la restauration des monuments et sites historiques (2) (charte de Venise). Puis avec la convention d’Amsterdam de 1975, on est passé à la notion du « patrimoine architectural » et celle du « paysage culturel »visant comme objectif la sensibilisation de l’opinion, partout dans le monde, aux valeurs culturelles, sociales, économiques irremplaçables des monuments, des ensembles et sites en milieu urbain et rural hérités du passé. Et à partir des années 1990, une attention particulière est accordée au patrimoine archéologique (la charte internationale pour la protection et la gestion du patrimoine archéologique de 1990 (icomos-icamh) et au tourisme culturel dans la perspective du développement durable. Actuellement, les pensées sur le patrimoine mettent l’accent sur la question de l’authenticité dans le préservation, l’interprétation et la présentation au public (voir l’avant projet de la charte d’Ename et encore celui de PISA, de 2002).

La genèse et les fondements théoriques de la notion du patrimoine architectural

EnvoyerImprimerPDF
Cours de patrimoine architectural:
Cours 01 : La genèse et les fondements théoriques de la notion du patrimoine architectural :
1/Introduction :
Prés de deux siècles se sont écoulés depuis l’émergence du nouvel intérêt au patrimoine architectural. Il convient de faire le point sur les évolutions qu’ont connues notre doctrine et nos pratiques dans le domaine de la sauvegarde et mise en valeur des monuments historiques.
En ce qui concerne la protection tout d’abord, le fait marquant étant sans doute la diversification et l’élargissement de la notion du patrimoine même de monument historique : œuvre d’art, architecture « Majeure » / architecture « Mineure », ensemble historique, …


L’attention, autrefois concentrée sur les édifices les plus prestigieux, se porte de plus en plus aujourd’hui vers les aspects nouveaux de notre patrimoine : bâtiments ruraux ou industriels.
On protège aujourd’hui les œuvres contemporaines de Perret et de Le Corbusier.


En matière de restauration également, les conceptions ont sensiblement évolué. Notre politique repose aujourd’hui sur deux grands principes :
A/L’authenticité : signifie que la restauration doit se subordonner à la vérité archéologique et rechercher une réalité historique incontestable.
B/Le respect des apports successifs du temps : Nous conduit à conserver les marques de la diversité historique : la modification de partis architecturaux, la variété des techniques utilisées sont des témoignages de la vie du monument qu’il convient de préserver.


2/De la restructuration des monuments à la question des centres historiques :


A/La tutelle et la sauvegarde des biens historiques :
Chronologie historique :
La tutelle et la sauvegarde du patrimoine historique n’est pas l’action de restituer le bien culturel dans son contexte temporel et spatial, mais celle de le relier à sa nature publique, en lui redonnant sa vraie valeur sociale. Cette notion d’institution commença dés l’époque romaine, ou une législation fut dressée afin de discerner la propriété publique de celle du privé. Cependant, à l’époque Auguste, nait le besoin d’une réglementation afin de gérer la sauvegarde et l’entretien des monuments existants. Ce fut une institution magistrale connue sous le nom de « CODE NITENTIUM REFUM ». Ce cadre d’institution se perpétua presque dans toutes les époques historiques de l’aire romaine, dont la législation chrétienne, le « CODE THEODOEDIEN » appliquait une réglementation concernant les opérations de sauvegarde et de restauration.


A l’époque médiévale, on assiste à une répression de cette législation, car on en note un désintéressement quasi-total de la société pour le patrimoine historique. Dès lors une grande destruction des monuments et édifices fut entamée afin de récupérer les matériaux de construction pour les constructions ultérieures.


La renaissance allait introduire une nouvelle pratique avec le réinterprétation des œuvres du passé. Dans son traité « De Re Aedificatoria », refonte de Vitruve, Alberti soutient qu’on peut améliorer certains bâtiments en leur donnant une application magistrale (par un enrobage). L’exemple de l’église de San Francesco de Rimini (1447) : Il fit revêtir cette église gothique de marbre pour lui donner un aspect d’un temple antique. Ces pratiques peuvent s’observer jusqu’au 15e siècle.


Cette attitude continuait jusqu’au 15ème siècle. Il fallait attendre l’année 1624 pour assister à la diffusion d’une réglementation prévisionnelle décrétée par le Cardinal ALDO BRANDINI, qui obligeait la prédisposition d’une permis de construction dans le cas ou on utiliserait ces deux matériaux : le marbre et le métal.


Partant d’une vision conservatrice des antiquités archéologiques au 18ème siècle, le Cardinal SPINOLA ALBANI aboutit à une réglementation nouvelle, régissant toute forme de conservation et sauvegarde des édifices antiques. Ces interventions devaient être soumises au contrôle permanent d’un commissaire des Beaux-arts. Cette réglementation avait subi plusieurs remaniements conceptuels au courant du 19ème siècle, afin d’arriver à une formulation réglementaire définitive en 1902, contenant une quarantaine de lois encadrant et limitant la liberté des initiatives individuelles.


En France, ce fut à la suite d’un long processus de dégradation des édifices civils et religieux ; correspondant aux destructions de la révolution de 1789 et au vandalisme des premières décennies du 19ème siècle, que le concept de restauration va connaitre son évolution la plus rapide. Déjà, une convention fut proclamée sur le principe de l’intervention sur les monuments par l’état, ce qui avait nécessité la mise en place d’un appareil administratif au service de la conservation. Il revenait à la monarchie de juillet de réaliser ce programme, en s’appuyant sur le mouvement d’opinion, favorable à l’histoire nationale et à l’art médiéval.


On peut on fait dater du début du 19ème siècle l’apparition d’une nouvelle façon de considérer les monuments, et presque en même temps celle des problèmes liés à leur restauration. Nous pouvons donner des exemples de l’une et des autres en exposant quelques faits particuliers, observés à Rome à cette époque.


En premier lieu, les fouilles entreprises en 1802 autour de l’Arc de Septime Sévère dans la zone du Forum Romain. Ces fouilles ressemblent à beaucoup d’autres : il s’agit de dégager l’une des bases de l’Arc pour en vérifier les mesures. Une fois les relevés effectués, le monument sera ré enterré.


Il venait à ceux qui surveillaient les fouilles l’idée que le monument dégagé pour toujours de la terre qui le recouvrait pouvait être installé au milieu d’un fossé ou les visiteurs descendront pour en apprécier les formes dans leur intégrité. Cet épisode montre la naissance d’une idée : la mise en valeur de la construction monumentale, non plus considérée comme une sorte de vestiges romantiques mais réintégrée dans la ville vivante et active. A l’idée de la mise en valeur vient s’ajouter le problème de la restauration ; en effet, sur de nombreux monuments, une intervention s’impose, de consolidation lorsqu’ils sont instables, ou de dégagement lorsqu’ils sont à peine visibles sous la stratification des transformations successives.


« Ce problème affecte, durant les premières décennies du siècle, tout le bassin méditerranéen ou l’on va travailler sur les restes de la période classique » (1).


Le choix d’un deuxième exemple de consolidation des monuments antiques a porté sur le Colisée, ou à l’instabilité de ses arcades croulantes, une urgente intervention est venue remédier en deux temps :
         La première fut dirigée par Raffaele STERN en 1807. Elle consistait à apposer à la poussée des arcades par un contrefort de haut en bas. Cet éperon se distinguait par ses matériaux, différents du contexte antique.
         La deuxième intervention attribuée à Giuseppe VALADIER en 1826 est venue remédier à cette instabilité des arcades par la reconstruction de ces derniers, pour compléter la ligne manquante du monument, qui formera elle-même un éperon. (2). Cette maçonnerie fut réalisée en briques qui reproduisait l’architecture existante, mais qui ne permettait pas de discerner le nouveau de l’authentique, puisqu’elle fut enduite d’une couche d’enduit coloré, reproduisant la patine d’autan.


« En comparant les deux interventions, on peut aisément reconnaitre la dialectique entre la restauration de consolidation pure et simple, ou l’on se préoccupe d’altérer le moins possible l’authenticité du monument, et la restauration qui altère en partie son objet en reprenant les lignes interrompues et en insistant sur l’effet visuel général du monument ». (3).


D’ici on déduit que le projet de restauration, au début du 19ème siècle, fut une opération du type archéologique.


Un nouveau comportement envers le patrimoine historique et architectural fut marqué après 1850, car grâce à l’expérience acquise à Pompéi, la prise de conscience historique due au besoin de témoignage et valeurs historiques, et la signification d’ancienneté, nous a amenés à noter en ce moment dans la pratique de la conservation deux tendances carrément opposées qui sont celle de :


B/Les différentes écoles de pensées :


1/La théorie de VIOLLET-LE-DUC :
La restauration est l’unique possibilité pour l’édifice décidant de revivre et de retrouver sa valeur et sa signification. On peut rétablir l’aspect en reproduisant des parties manquantes dont le témoignage nous est parvenu de façon certaine, qui a sacrifié la valeur romantique imprimée sur le corps du bâtiment par les signes du temps. Ses interventions de restauration se caractérisent donc comme étant stylistiques et artistiques.


2/La théorie de JOHN RUSKIN :
« Prenez soin de vos monuments et vous n’aurez pas besoin de restaurer (…). Veillez d’un œil attentif sur un vieil édifice (…) bardez-le de fer lorsqu’il se désagrège, soutenez-le à l’aide de poutres lorsqu’il s’affaisse, ne vous souciez pas de la laideur du secours que vous lui apportez : il vaut mieux boiter que de perdre une jambe ».


Il faut donc éviter de restaurer, car l’édifice court le risque de sortir falsifier. Pour RUSKIN, la valeur  des monuments réside surtout dans leur authenticité, que l’on ne peut pas séparer de l’état de décadence dans laquelle se trouve la matière de l’édifice à cause des injures du temps. Ses interventions de maintenance n’écartaient donc pas l’évolution du monument dans son ère.


Cependant l’époque qui a suivi dura jusqu’au années 1920-1930. Cette période se caractérisa par une production éclectique et historiciste  qui n’a pas travaillé à vraie dire le bien culturel, puisqu’il y avait cette prédominance d’une époque historique sur l’autre.


A cet effet, il fallait attendre le 20 juin 1909 pour décréter la loi n° 364 sur les principes fondamentaux sur lesquels se basent les normes actuelles de la conservation du patrimoine historique.


En 1931, le charte d’Athènes a eu un grand mérite aux monuments historiques isolés, par la reconsidération de toutes leurs valeurs, tout type confondu, de l’œuvre monumentale à l’édifice mineur ; pris comme témoignages d’une civilisation.


La charte d’Athènes incitait à la conservation de l’objet unitaire dans le but de sa revalorisation dans son contexte global.


La charte suivante de restauration de Venise, en 1964, avait élaboré pour la première fois un cadre institutionnel régissant internationalement la pratique de la conservation et de la restauration.


En Italie, la réponse institutionnelle à l’évolution de la doctrine de conservation fut présentée sous forme d’une charte de restauration citant plusieurs instructions pour la restauration des monuments (1972). Cela était sous l’égide du ministère de l’instruction publique. Celle-ci contenait des normes et des principes théoriques et méthodologiques régissant toutes sortes d’intervention.


Le travail accompli, en termes de la conservation et mise en valeur des monuments et sites historiques, fut théorisé en termes définitifs en 1975 à l’occasion de cette année qui fut dédiée au patrimoine architectural.  Une « conversion  intégrée » du centre historique en sa globalité fut le résultat de la conjonction de ces deux éléments : technique (restauration / sauvegarde) et la recherche de la fonction appropriée qui assura le maintien et la survie de celui-ci dans l’ensemble des transformations urbanistique.


Afin de décrire d’une manière globale l’évolution des concepts qui inspirent la pratique de la conservation des monuments et sites historiques, on a décidé de les ramener ici schématiquement en ces quelques points : (4).


1) L’histoire de la conservation en Europe, à partir du 19ème siècle, commença par l’introduction progressive des lois et règlements de sauvegarde et la création d’organisme à diverses échelles, qui veillaient au recensement et à la restauration de ces biens historiques.


2) La tutelle de la ville historique en Italie, dans son ensemble, se fait jour peu à peu à l’issue des activités de Gustavo GIOVANNONI (1873-1947) ou quelques cas d’expériences s’opèrent dans les années 30, par exemple la réhabilitation de quelques quartiers dans la ville de Sienne et de Bergame. Ils instaurèrent une nouvelle tradition.


Après la deuxième guerre mondiale, le principe fut appliqué à grande échelle.


3) De la le centre historique avait acquis une signification autonome par rapport au contexte émergeant des édifices monumentaux. Une signification de stratification et de témoignages historiques qui recèle le centre historique dans ses différents niveaux.


4) L’ensemble de ces significations resitua peu après le monument dans son contexte global, ou l’ensemble de ces « témoignage matériels ayant des valeurs de civilisations » disposaient de deux extrêmes : d’une part le monument architectural d’autre part l’outil de travail de l’artisan.


5) La conservation du lieu ou du milieu naturel, en outre, est venu améliorer son identité mais renforcer aussi son caractère, et ainsi accroitre son intérêt économique.


6) En retrouvant ses valeurs civiques sociales et formelles, le centre historique a constitué, à partir des années 60, la valeur de Partie pour le tout : toutes les valeurs énoncées de la communauté urbaine s’y trouvent.


7) A l’issue d’une attitude forgée pendant plus d’un siècle, la conservation en Italie actuellement connait une phase nouvelle et intense d’évolution, « une énorme extension du champ d’action de la conservation est en cours et elle comprend la totalité du patrimoine pré moderne, des sites archéologiques protégés aux bâtiments d’usage commun situés dans les centres dépourvus de protection ». (5).




3/Conclusion :


En conclusion, on a vu que l’introduction de la conservation des monuments et sites historiques, qui fut une pratique auparavant, devient aujourd’hui une discipline en soi avec ses différentes filières. Une discipline qui a développé ses principes, comprenant non pas la « seule conservation de l’édifice mais sa réinsertion dans le cycle vital de l’utilisation actuelle, sa réintégration dans le contexte d’un organisme (la ville et l’environnement) en cours de transformation » (6).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire